Historique du 2e Régiment de Marche de Zouaves


Dès les premiers jours de la mobilisation (2 août 1914), au milieu d'un enthousiasme frénétique, soldats de l'active et de la réserve accoururent en foule pour prendre leur place dans les rangs. Aussitôt constitués, le 1er Bataillon de l'active et le 11e Bataillon formé par des éléments de réserve partaient d'Oran avec le drapeau sous le commandement du Colonel Godchot, faisaient halte au dépôt de Sathonay, pour y compléter leurs préparatifs, se groupaient avec le 5e Bataillon qui tenait garnison en France en temps de paix et formaient le « 2e Régiment de Marche de Zouaves ». Gardien du drapeau, le 2e de marche eut a coeur dès la première bataille de se montrer digne du vieux 2e Zouaves.

CHARLEROI

Les meilleures troupes allemandes venaient de franchir la frontière de Belgique, et malgré la résistance héroïque de Liège avançaient rapidement par la Meuse et la Sambre sur la route directe de Paris. La 37e division, a laquelle le 2e Zouaves fut rattaché organiquement pendant toute la campagne fut affectée à l'armée du général Lanrezac, transportée en chemin de fer Jusqu'à Rocroi et rassemblée le 21 Août 1914, prête au combat, aux abords du village de Fosse.

La grande bataille de Charleroi, où l'ennemi espérait emporter du premier coup le succès décisif, venait de s'engager. Le 2e Zouaves, qui venait de recevoir un nouveau chef, le Lieutenant-Colonel Trousselle, fut mis à la disposition du général commandant la 19e Division et reçut, le 22 août au matin, l'ordre d'enlever le village d'Auvelais.

La tâche était rude et digne des zouaves. Le village, solidement organisé, armé de nombreuses mitrailleuses et protégé par une puissante artillerie, était tenu par l'élite de l'armée allemande : la Garde impériale. Le terrain, plat et nu, descendait en Pente douce vers la Sambre. Impossible d'échapper sur ce glacis aux vues de l'ennemi et au tir inexorable des mitrailleuses. Le 5e Bataillon, Colonel en tête, n'en partit pas moins à l'assaut, tête haute. Les balles et les obus creusaient dans les rangs des trouées sanglantes. Le Colonel Trousselle tombait mortellement frappé, mais, pleins d'entrain, les zouaves progressaient quand même. A 9 h 30, le 5e Bataillon atteignait un tas de scories à 150 mères seulement du village et s'enfonçait comme un coin entre les premières maisons d'Auvelais et le hameau des Alleux, protégé, par une tranchée. Le 1er et le 11e Bataillon ne tardaient pas à prolonger le 5e, face au village.

Mais les mitrailleuses faisaient rage. L'Allemand, caché dans les maisons, souffrait peu. L'artillerie française, prise violemment à partie par des canons de gros calibres, restait muette. Le régiment s'épuisait et les munitions devenaient rares. Le Commandant Decherf comprit qu'en continuant la lutte la mort de ses hommes resterait inutile et, vers 12 h. 30, par petites fractions, des zouaves regagnaient les positions de départ. La Garde, épuisée par de lourdes pertes, ne songea même pas à poursuivre ces héros qui, malgré l'infériorité du nombre, les périls du terrain et le manque de moyens matériels, avaient tenu en échec et arrêté la progression des meilleures troupes de l'Allemagne.

Certes, le 2e Zouaves n'a pu, le 22 août, enlever Auvelais, mais son rôle n'en a pas été moins glorieux. Les chiffres ont, hélas ! leur triste éloquence : les 20 officiers et les 1.006 hommes qui restaient couchés sur le champ de bataille prouvaient avec éclat que le5e zouaves de Charleroi étaient bien les dignes héritiers des zouaves de Magenta et de Woerth, qu'ils pouvaient lever fièrement, la tête et qu'ils sauraient bientôt. venger leurs morts.

GUISE

Si l'ennemi n'avait pu progresser devant Auvelais, il n'en était malheureusement pas de même à l'extrême gauche de la ligne de bataille. écrasés sous 1e nombre et menacés d'être tournés, l'armée anglaise et les corps français en liaison avec elle avaient dû battre en retraite. La bataille de Charleroi était une défaite pour les Alliés, le généralissime donnait l'ordre de se replier.

Le 2e Zouaves partit donc pour la France.

Après plusieurs marches de nuit et quelques combats d'arrière-garde, le 24 août, près de Mettet et près de Philippeville, la 37e Division arrivait le 28 août 1914 à Landifay, à quelques kilomètres de Guise. Le Général Lanrezac avait l'intention d'arrêter là, l'avance allemande et, le 29 août, la 37e Division, 1a joie dans l'âme, recevait l'ordre de faire demi-tour et d'attaquer dans la direction de Berteignemont, le 2e Zouaves lui servant de soutien. L'attaque réussit et les tirailleurs atteignaient bientôt la lisière. Une contre-attaque puissante les en chasse quelques instants après ; le 2e Zouaves se cramponne à la crête qu'il occupait pour faciliter le repli du 6e Tirailleurs et arrêter net; toute progression ennemie. A 17 heures, puis à 19 heures, des attaques menées avec brio par le 11e Bataillon (Capitaine Janpierre) et le 5e (Capitaine Jacquemin) nous permettaient â nouveau de reprendre pied dans le bois. La journée se terminait pour les zouaves par un brillant succès : l'ennemi était arrêté dans sa marche sur Paris ; le terrain était solidement tenu et les zouaves commençaient à espérer qu'ils referaient en vainqueurs leurs étapes de retraite.

Mais des Allemands avaient réussi, grâce au nombre de leurs divisions, à opérer un mouvement tournant sur la gauche. l'armée était menacée et, le 29 août, dans la nuit, la 37e Division recevait l'ordre de continuer la retraite vers le Sud. Le 1er septembre, le 2e Zouaves franchissait, l'Aisne a Pont-d'Arcy; le 3, la Marne à Dormans, et, le 5, il atteignait la Seine. A aucun instant, malgré ce recul rapide, il ne douta qu'un plan d'ensemble savamment étudié allait bientôt permettre à l'armée française de faire tête, victorieusement. Jamais, malgré les souffrances, la fatigue et la faim, il ne perdit sa discipline et son entrain.

C'est avec une joie profonde et la conviction intime du succès qu'il reçut, le 6 septembre, l'ordre de cesser la retraite et de faire demi-tour pour arracher à la barbarie allemande nos provinces envahies.

LA MARNE – CUTS

Le 2e Zouaves n'eut pas cependant à jouer un rôle très important à la bataille de la Marne. La 37e Division était placée, le 6 septembre, en réserve d'armée en attendant le résultat des opérations importantes qui se déroulaient sur l'ensemble de la ligne de bataille française. L'ennemi, de toutes parts, était pris à la gorge. Les troupes qu'il poursuivait depuis deux semaines et qu'il croyait harassées et démoralisées, se dressaient devant lui plus vaillantes, plus désireuses que jamais de combattre et de vaincre. Et devant ces soldats décidés à mourir plutôt qu'à reculer d'un pas, l'armée allemande, stupéfaite, battit à son tour en retraite.

Quelle joie pour nos zouaves de s'élancer à la poursuite ! Le 8 septembre, ils passent à l'avant-garde, talonnent sans répit les colonnes ennemies, leur infligeant à chaque instant des pertes sensibles. A Rieux, une compagnie du bataillon Delalande, à la baïonnette, s'élance sur un bataillon cycliste et le met en déroute, en reprenant une batterie de 75. A Monteil, à Hochecourt, l'arrière-garde ennemie, violemment attaquée, doit abandonner ses blessés. A Montmirail enfin, malgré la fusillade et la fatigue d'une rude journée, les zouaves forcent les Allemands à abandonner précipitamment la ville.

Le 10 septembre après trois jours de poursuite acharnée, la division recevait l'ordre de s'embarquer pour aller prendre place sur des bords de l'Oise, à l'extrémité des lignes françaises et amorcer un mouvement tournant destiné à rejeter les armées impériales hors de France et à tendre la main à la forteresse de Maubeuge investie. Le 2e Zouaves débarquait le 12 septembre à Auger-Saint-Vincent et détachait en soutien de cavalerie deux compagnies du bataillon Jacquemin. Le 13, il cantonnait près de Compiègne, le 14, à Thourette et recevait Noyon comme objectif. Malgré l'héroïsme qu'il allait déployer pour l'atteindre, la fortune des armes devait lui permettre, quatre ans plus tard seulement, de reconquérir la vieille cité.

Le 15 septembre, le régiment reprenait sa marche en avant, traversait Carlepont abandonné par l'ennemi, et recevait l'ordre d'attaquer Mont-Choisy et Cuts. Cette tâche ardue fut confiée au 11e Bataillon, sous les ordres du commandant Fabre, récemment arrivé. Le bataillon Delalande recevait l'ordre d'appuyer cette attaque en s'emparant de La Pommeraie.

Malgré une résistance très ferme des troupes allemandes, le bataillon Fabre, grâce à l'entrain de ses hommes, atteignait assez vite Mont-Choisy et tâchait de déboucher sur Cuts, dont l'ennemi avait organisé la lisière et qu'il tenait fortement avec de nombreuses mitrailleuses. Le bataillon Delalande, accroché plus durement, n'arrivait à La Pommeraie qu'assez tard dans la soirée. Les deux bataillons aussitôt, combinant leur effort, s'élancent d'un bond à l'attaque de Cuts, bousculent l'ennemi surpris et s'emparent presque sans pertes du village.

La victoire semblait couronner nos efforts, mais un événement imprévu allait imposer à la 37e Division et au 2e Zouaves des sacrifices nouveaux et des pertes sanglantes: Maubeuge était tombée et les corps d'armée qui l'investissaient étaient descendus rapidement par la vallée de l'Oise. C'est le 16 septembre que 1a 37e Division allait recevoir presque seule le choc de cette formidable armée.

Le 16 au matin, le bataillon Delalande recevait la mission de tenir La Pommeraie et le bataillon Fabre d'occuper le village de Laigle. Toute la nuit, une pluie fine et glacée s'était abattue sur le bivouac des zouaves ; l'avance de la veille n'avait par permis aux vivres d'arriver. Les hommes fatigués par deux mois de combats incessants, n'avaient pas mangé depuis l'avant-veille. Qu'importe ! Pas un n'était ,absent pour repartir à l'assaut et cette journée allait les rendre dignes des zouaves de Bazeilles.

Laigle était encore inoccupé une longue colonne d'infanterie ennemie sortait de la forêt un peu au nord pour aborder le village. Le caporal Clam n'hésite pas : il arrête ses quatre patrouilleurs d'avant-garde et brûle toutes ses cartouches. Devant le feu de ces cinq hommes, la colonne allemande reflue, rentre dans le bois et en organise la lisière. Le bataillon Fabre, grâce à l'abnégation de ce héros entre dans Laigle et s'y retranche. L'ennemi, cependant, arrivait de toutes parts. il venait de bousculer sur la gauche du régiment une brigade d'infanterie française dont quelques éléments se mirent à la disposition du Commandant Fabre et assurèrent la liaison avec le bataillon Delalande. A 10 heures, après une préparation d'artillerie intense, l'ennemi attaquait et était repoussé. D'heure en heure, il recommençait ses assauts, toujours vain. C'est sur Laigle qu'il concentre tous ses efforts. A 17 heures le Commandant Fabre n'avait plus sous ses ordres que 200 à 300 hommes, zouaves, tirailleurs et fantassins ; une attaque nouvelle se dessinait, plus violente encore que les précédentes, car des troupes fraîches ne cessaient d'arriver. Le combat fut terrible : pouce par pouce, il fallut: défendre le terrain ; cette puissante attaque ne réussit qu'à s'emparer de quelques maisons. Malheureusement, il ne restait presque plus personne ; le Commandant Fabre, blessé, venait d'être fait prisonnier.

Pendant que les quelques survivants organisaient, durant la nuit, les maisons du village qui restaient en notre pouvoir, le général commandant les troupes allemandes se faisait conduire auprès du Commandant Fabre et le félicitait de l'héroïsme de ses troupes : « Vous aviez devant vous, commandant, toute une division ». Le médecin-chef de l'ambulance ajoutait qu'il avait déjà soigné plus de 1200 blessés allemands.

Le lendemain 17 septembre, l'Allemand, renforcé encore, reprenait ses assauts et s'emparait de Choisy ; Le Hesdin et La Pommeraie étaient réduits en miette, et le bataillon Delalande, menacé d'être cerné, revenait à Caisnes auprès du Colonel. Dans l'après-midi seulement, les fractions qui s'étaient maintenues encore toute la matinée dans Laigle, débordé de toutes parts, rentraient également à Caisnes. La situation était de plus en plus critique. L'Allemand avait pris Choisy, Cuts et derrière la 37e Division, Carlepont venait de tomber à son tour. La route était fermée et il fallait tenter un effort suprême pour ne pas laisser aux mains de l'ennemi les drapeaux glorieux de quatre régiments.

La « brigade marocaine » se dévoua pour ses camarades d'Afrique et fut sublime. Elle s'élança sur Carlepont ; après plusieurs tentatives infructueuses et sanglantes, finit par y pénétrer, livra dans la nuit un horrible combat de rues, permit à la 37e Division d'échapper à la tenaille allemande et de se replier sur Tracy-le-Mont et Tracy-le-Val. Pendant ces trois journées de combats ininterrompus le 2e Zouaves venait de barrer la route de Paris et de briser tout l'effort de l'ennemi.

TRACY-LE-MONT

Après être resté un jour en cantonnement d'alerte à Tracy-le-Mont, le 2e zouaves était lancé à nouveau dans la mêlée. Une division, pressée par un ennemi très supérieur en nombre et qui avait accumulé un formidable matériel d'artillerie lourde, venait de lâcher pied à notre droite ; il fallait reconquérir le plus possible le terrain perdu.

Le 20, au matin, le 11e Bataillon, sous les ordres du Capitaine Tschupp, et le bataillon Delalande se lançaient a l’assaut le long de la route de Tracy-le-Mont à Quennevières, sous un feu violent d'artillerie et de mitrailleuses. La Progression fut dure et coûteuse ; les Allemands défendaient le terrain avec opiniâtreté. A la tombée de la nuit, les deux bataillons avaient cependant avancé de quelques centaines de mètres.

Le 23 septembre, une attaque générale était ordonnée, dans la direction de Nampcel. La 74e Brigade attaquait à la gauche, le 2e Tirailleurs à la droite. Profitant d'un épais brouillard, les 1er et 11e Bataillons s'élancent à l'assaut avec leur ardeur coutumière et s'emparent sans trop de peine du village de Puisaleine qui leur était fixé comme premier objectif. Mais, quand ils essayèrent de continuer la progression sur Nampcel, ils furent accueillis par une avalanche formidable d'obus de 210 et de 150, qui firent dans les rangs une trouée sanglante. Impossible d'avancer davantage ; on se maintint sur place. A la tombée de la nuit, comme la 74e brigade n'avait pas pu progresser, ordre était donné au 2e Zouaves de réoccuper ses positions de départ et de s'y retrancher.

Une violente attaque allemande débouchant, le 25, du ravin de Puisaleine, fut arrêtée net sous notre feu. L'ennemi organisa à son tour des retranchements. Ce dernier essai de guerre de mouvement venait de coûter au régiment 4 officiers et 600 hommes. La guerre de tranchée commençait.

SECTEUR DE QUENNEVIÈRES-BOIS SAINT-MARD

« Hier, j’ai passé l'après-midi dans les tranchées ; j'ai trouvé les hommes qui les habitent résignés, calme, vigilants, ayant le mot pour rire. » Cette phrase, qui semble d'hier, été écrite en 1855, par un officier anglais qui venait de visiter les positions du 2e Zouaves devant Sébastopol. Les zouaves de 1914 ont su, comme leurs ancêtres de Crimée, cacher sous la patience t la ténacité leurs qualités habituelles d'ardeur et de mouvement ; ils ont su passer les semaines et les mois, 1'oei1 au créneau, sous la pluie et dans la boue sans perdre la confiance sacrée. Cette vie est monotone et triste ; l'ennemi est partout sans qu'on puisse percevoir, des mois durant, une capote grise ; la journée et la nuit se passent lentement à des besognes pénibles. Le fusil cède la place à la pioche ; les obus enlèvent chaque jour quelques camarades et le soldat n'a pas le coeur réchauffé par l'ardeur de la bataille. Cette vie de tranchées fourmille d' exemples d'héroïsme ni modeste et caché, de souffrances profondes, physiques et morales ; elle était plus pénible qu'à tout autre, à ceux qui avaient parcouru tant de kilomètres sur les talons de l'ennemi et elle allait être la vie du 2e Zouaves, sans interruption, pendant dix mois, sur le plateau de Quennevières.

Le terrain était difficile, boisé, coupé de ravins profonds; l'ennemi avait; accumulé un matériel bien supérieur au nôtre, et les tombes sont, hélas ! nombreuses, qui prouvent à tout jamais la courageuse ténacité de nos braves.

Cependant, le 2e Zouaves n'est pas resté absolument inactif sur ses positions défensives pendant dix mois. Il tenta à plusieurs reprises de s'emparer, par de violentes attaques, des tranchées allemandes. Les opérations les plus importantes furent celles des 30 et 31 octobre 1914, à la ferme de Quennevières ; des 21 au 25 décembre 1914, au bois Saint-Mard ; des 6 au 16 juin 1915, sur le plateau de Quennevières.

Prise de la ferme de Quennevières

Nous nous étions arrêtés, fin septembre, à quelques centaines mètres de la ferme de Quennevières, d'où l'ennemi pouvait distinguer tous nos mouvements.

Une attaque fut prescrite pour le 30 octobre dans la direction générale de la ferme des Loges ; le 2e Zouaves ayant plus particulièrement pour objectif la ferme et les tranches en avant du bois Saint-Mard Le 30, la résistance acharnée de l'ennemi ne permit qu'une faible progression. L'attaque reprit le 31, à 4 heures du matin. Protégés par l'obscurité, les zouaves du 5e Bataillon s'élancent impétieusement l'assaut, approchent à 80 mètres de la ferme et, malgré un feu meurtrier, l'enlèvent la baïonnette ; les camarades du bois Saint-Mard avaient aussi progressé de 200 mètres. Cette affaire, qui privait l'ennemi de deux observatoires importants, nous avait coûté 1 officier et 80 hommes.

Combats des 19e et 20e Compagnies

Le 10 novembre 1914, les 19e et 20e compagnies, qui avaient été détachées en soutien de cavalerie le 12 septembre, rejoignaient aux tranchées leur bataillon. Si elles n'avaient pas participé, aux batailles de Laigle, de Tracy et de Quennevières, leur tâche n'en avait pas été moins glorieuse.

Du 12 au 20 septembre, transportées presque constamment en automobiles aux points où l'on pensait voir surgir la cavalerie ennemie, elles avaient assuré la défense de Rosières-en-Santerre, Villers-Carbonel, Péronne et Longavesne. Le 23 septembre, elles repoussaient, à Le Mesnil-Cartigny, une colonne allemande très supérieure en nombre.

Le 26 septembre, après avoir combattu à Albert, Auveluy et à Maurepas, les deux compagnies recevaient la mission de défendre à tout prix le village de Maricourt avec le 45e Régiment d'Infanterie. L'ennemi était très puissant et pourvu de beaucoup de matériel : un déluge de feu s'abattit sur les maisons du village que les zouaves tenaient opiniâtrement. Mais, bientôt, les Allemands réussirent à cerner la localité ; il fallait choisir entre la capture et la mort; les deux compagnies n'hésitent point; elles s'élancent à la baïonnette, sautent à la gorge de l'ennemi et se frayent. un chemin malgré tout.

Le combat avait coûté à ces deux unités 178 tués et 50 blessés. Les quelques survivants qui venaient prendre place dans les tranchées du bois Saint-Mard étaient bien les égaux en gloire de leurs camarades.

Attaques du Bois Saint-Mard

L'affaire de Quennevieres, le 31 Octobre, n'avait pas éloigné suffisamment l'ennemi ; il s'était maintenu dans une position puissante appelée « Le Champignon », près du bois Saint-Mard, où se déroulait une guerre de mines impitoyable. Le régiment reçut donc l'ordre de donner de l’air à tout le secteur. Tel fut le but assigné à l'attaque du 21 décembre 1914.

L'action devait être menée par quatre bataillons : à droite, le 1er et le 11e du 2e Zouaves, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Decherf ; à gauche, le 5e et le bataillon Duhamel, du 2e Tirailleurs, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Bourgue. Depuis plusieurs semaines, des places d'armes avaient été aménagées et des munitions accumulées ; mais, de son côté, l'ennemi n'était pas resté inactif ; il avait renforcé ses réseaux de fil de fer, augmenté considérablement le nombre de ses mitrailleuses et de ses canons. L'affaire allait être périlleuse et très dure.

Le 21 décembre, à 2 heures, une poignée de braves, sous le commandement du Lieutenant Sorel, plaçaient quelques pétards sous les défenses ennemies, coupaient les fils de fer à la cisaille et se faisaient tuer héroïquement. A 7 heures, toute la ligne partait à l'assaut. Le premier bond permettait à la compagnie Burat d'enlever le Champignon, et à la compagnie Cordier de prendre pied dans la première tranchée allemande. Les autres unités, prises sous une grêle inouïe de balles et d'obus devant des fils de fer intacts, étaient forcées de s'arrêter à quelques mètres de l'ennemi et de s'y créer en hâte un médiocre abri.

Le 22, l'ennemi contre-attaquait violemment, en usant d'une avalanche de grenades et de minenwerfer, rejetant les zouaves des positions chèrement conquises.

Le 23, le général commandant le secteur prescrit de reprendre à tout prix la tranchée perdue la veille. Animée d'un admirable esprit de sacrifice, la compagnie Bétant repart à l'assaut et, grâce à la vigueur et à la rapidité de son action, reprend en entier la position de la veille. trois fois l'ennemi contre-attaque avec grenades, minen, lance-flammes ; trois fois il est repoussé mais, vers 15 heures, sa supériorité devient telle, que les quelques survivants de la 17e Compagnie sont obligés de revenir à leur point de départ du matin.

Le régiment avait perdu beaucoup d'hommes. Aussi, le 25 décembre, l'objectif principal fut-il confié au bataillon Philippe du 42e d'Infanterie ; le 2e Zouaves avait seulement pour mission de reconquérir la tranché déjà deux fois conquise et deux fois perdue. Mais les efforts combinés des fantassins et des zouaves devaient encore rester vains ; une contre-attaque acharnée les rejette définitivement de la grande tranchée allemande. Le Champignon seul nous restait.

Pendant ces six jours de combats acharnés, les zouaves avaient fait résolument le sacrifice de leur vie ; mais leur abnégation sublime n'avait pas pu venir à bout du matériel ennemi. 11 officiers et 900 hommes étaient tombés.

Dormez ! morts héroïques !

Attaques du plateau de Quennevières

Pendant les premiers mois de 1915, l'inégalité entre les armées française et allemande avait beaucoup diminué. L'Allemagne avait perdu ses meilleurs soldats sur l’Yser; le matériel français s'était considérablement accru et, à Beauséjour comme à Arras, peu s'en était fallu que, nous ne réussissions à percer le front de l'ennemi. Pour opérer une diversion et chercher à prendre d'ennemi en défaut, le commandement prescrivit une attaque importante sur le plateau de Quennevières.

Le 6 juin 1915, sous les ordres du Général Nivelle, commandant la 61e Division d'Infanterie, la 73e Brigade (2e Zouaves et 2e Tirailleurs) et la 121e Brigade s'élançaient à l'assaut. Le 1er Bataillon du 2e Zouaves (Commandent Philippe) devait s'emparer des deux lignes de tranchées allemandes ; le 11e (Commandant Cassaigne), enlever la Bascule, si le succès couronnait les efforts du 1er Bataillon. Le 5e restait à l'arrière pour assurer la garde des positions de départ.

A 10 heures, après une bonne préparation d'artillerie, les zouaves du commandant Philippe partaient irrésistiblement à l'attaque avec les derniers obus de 75. L'ennemi fut complètement surpris et n'eut pas le, temps de se mettre en garde ; en moins d'un quart d'heure le 1er bataillon avait atteint tous ses objectifs et dirigé sur l'arrière de nombreux prisonniers.

Voyant le succès de leurs camarades, les hommes du bataillon Cassaigne s'ébranlaient à leur tour, à 11 h. 30, avec la même impétuosité. Malheureusement, l'ennemi avait eu le temps de s'alerter et de se préparer au combat ; la préparation d'artillerie, plus faible sur ce front secondaire, avait laissé intactes les défenses accessoires et, dès les premiers mètres, le feu des mitrailleuses ennemis couchait sur le sol des lignes entières de tirailleurs. L'attaque progressa néanmoins jusqu’aux abords immédiats des fils de fer, où une lutte acharnée s'engagea à la grenade.

Le lendemain, les bataillons Philippe et Cassaigne partaient pour un repos bien mérité.

Le commandement ne voulut pas rester sur ce demi-échec, et le 5e Bataillon, sous les ordres du Commandant de Barbeyrac de Saint-Maurice, dut se tenir prêt à attaquer vers la Bascule le 15 juin, avec le bataillon Melou, du 2e Tirailleurs, et deux bataillons du 42e d'Infanterie. L'ennemi avait amené des renforts ; nos préparatifs ne lui échappaient pas. Averti vraisemblablement de la date assignée à notre action prochaine, il renforçait son artillerie, exécutait une préparation formidable et attaquait le 14 au soir avec la dernière vigueur. Le 5e bataillon souffrit beaucoup ; sauf en un point, il réussit à maintenir intactes ses positions.

L'opération prévue pour le 15 dut être reportée au 16 juin. Après une action de détail exécutée pendant la nuit, zouaves, fantassins et tirailleurs partent héroïquement à l'assaut, à 6 heures du matin ; les bataillons du 42e pénètrent dans les lignes allemandes, les zouaves s'emparent d'un saillant des tranchées ennemies. Peu à peu, le feu ininterrompu de l'artillerie allemande disloque les troupes victorieuses. La liaison avec le 42e est compromise ; ce régiment, soumis à un combat corps à corps, où l'ennemi, mieux ravitaillé, prend le dessus, abandonne successivement les tranchées conquises. En fin de journée, les zouaves seuls avaient maintenu leurs gains contre les contre-attaques ; ils partaient au repos avec le sentiment du devoir fièrement accompli.

Les combats du 6 au 16 juin avaient coûté cher au régiment. Mais les 25 officiers et les 1.250 hommes qui, pendant ces journées, avaient versé leur sang aux abords de Quennevières, avaient du moins la satisfaction suprême de voir la patrie s'incliner sur eux reconnaissante. Les fanions du 1er et du 11e Bataillons recevaient, en effet, la croix de guerre avec les motifs suivants, magnifiques dans leur concision :

Le Général commandant 1a VIe armée cite à l'ordre de l'armée :

le 1er bataillon du 2e zouaves de marche, sous les ordres du commandant Philippe : « Pour l'élan magnifique qu'il a montré dans l'attaque du 6 juin et la façon remarquable dont il s'est servi de la baïonnettes grâce à quoi il a infligé des pertes sévères à l'ennemi ».

Le 11e bataillon du 2e zouaves de marche, sous les ordres du commandant Cassaigne : « S'est porté avec le plus beau courage à l'attaque d'un point d'appui fortement organisé, a subi de grosses pertes sous le feu de l'ennemi, sans ralentir son élan ».

Signé: Général DUBOIS

Un mois après, le 8 juillet 1915, le 2e Zouaves quittait en entier le secteur qu'il venait de défendre avec tant d'acharnement depuis Septembre 1914.

Dans le petit triangle formé par Tracy-le-Mont, le bois Saint-Mard et Quennevières, il avait perdu 1.500 blessés et 1.050 tombes attestaient qu'il s'était dépensé héroïquement sans ménager ses sacrifices.

CHAMPAGNE

Le général Joffre venait en effet de décider une attaque importante en Champagne sur un front, de vingt-cinq kilomètres environ, et avait accumulé sur ce point toutes les ressources matérielles, encore insuffisantes d’ailleurs, dont disposait l'armée française. La 37e division était placée sous les ordres du général Gouraud, comandant IVe armée, pour coopérer à cette trouée que tous espéraient.

Le 30 août 1915, le régiment prenait position en première ligne et commençait à préparer par un travail acharné son offensive prochaine. Les travaux de terrassement à faire étaient énorme, les lignes françaises étaient séparées des allemandes par plus de 800 mètres ; il fallait créer des parallèles de départ à 200 mètres de l'ennemi, creuser des places d'armes, des boyaux de communication, des abris de toutes espèces. Pendant un mois, sans arrêt, les zouaves manièrent la pioche avec acharnement sous le feu de l'ennemi.

Les Allemands de leur côté, au courant de nos préparatifs, renforçaient leurs fils de fer, augmentaient la densité de leurs troupes, le nombre de leurs canons et de leurs mitrailleuse. Le terrain se prêtait admirablement à la défense ; c'était une série de larges ondulations offrant des glacis de vaste étendue et, de-ci, de-là, quelques boqueteaux qui s'érigeaient en blockhaus formidables.

La journée du 25 septembre 1915 fut désignée pour le commencement de l'offensive ; le 2e Zouaves avait pour mission de s'emparer d'abord de la première position, c'est-à-dire de trois lignes de tranchées très fortement organisé et de plusieurs bois qui avaient reçu les noms de bois Volant, bois Y, bois N, bois Raquette, etc..., puis de pousser sur la dernière position constituée par la crête organisée de Vedegrange pour atteindre en fin de journée les rives de la Py.

A 9 H. 15, les trois bataillons du régiment, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Decherf, (les Commandants Philippe, de Saint-Maurice et Cassaigne, s'élançaient d'un seul bloc à l'assaut. Malheureusement, les fils de fer et les mitrailleuses de première ligne étaient presque intacts !

Mais qu'importe à des zouaves décidés à vaincre ou à mourir ?

Dans les 200 mètres qui séparaient nos lignes de la première tranchée allemande, le régiment perdit 24 officiers (dont le Commandant Cassaigne) et 1.100 hommes ; cela n'arrêta pas son élan. Avec un entrain irrésistible, les survivants enlèvent d’un bond les trois premières lignes allemandes, traversent sans arrêt le bois Volant le bois Y et dévalent impétueusement sur le bois N. Dans le seul bois Volant ils avaient pris 4 canons, fait 300 prisonniers et, de l'aveu d'un officier allemand, anéanti cinq compagnies du 107e saxons. Mais la prise de ces bois venait encore d'imposer au régiment des pertes sensibles. Le Colonel Decherf, 1 capitaine et 6 lieutenants étaient blessés ; les hommes étaient dispersés. La capacité offensive du régiment, privé de chef, était atteinte pour un temps.

La nuit du 25 au 26 fut employée par le commandant, de Saint-Maurice, qui remplaçait le colonel blessé, à former deux groupes de combat : l'un de 400 hommes sous les ordres du Commandant Philippe, l'autre de 200 hommes avec le Capitaine Germanaz, et le 26, à 12 h. 15, les zouaves repartaient à l'assaut aussi lestement et avec autant d'entrain que la veille. Sous un tir de barrage formidable, ils enlevaient crânement les derniers boqueteaux encore occupés par l'ennemi et s'installaient sur la dernière crête avant la deuxième position allemande. Un glacis de 900 mètres séparait les zouaves de la parallèle de Vedegrange fortement tenue ; il ne fallait pas songer à l'attaque sans l'appui de l'artillerie et de troupes fraîches.

Le 27, le bataillon du Bouchet, commandant le 1er Bataillon du 130e d'Infanterie, est mis à la disposition du commandant de Saint-Maurice et, à 14 h 30, zouaves et fantassins, dans un même élan d'héroïsme, repartent une troisième fois à l'assaut. La mitraille faisait rage, mais qui pourrait briser l'élan de ces hommes électrisés par deux journées de victoire ? Quelques instants après, la deuxième position allemande était en notre pouvoir.

Il ne fallait plus penser à poursuivre l'attaque. Sous les tirs incessants de la grosse artillerie, les survivants de l'héroïque 2e Zouaves éprouvaient à chaque instant de lourdes pertes. Le 1er octobre, le régiment commandé par son nouveau chef, le Lieutenant-Colonel de Saint-Maurice était définitivement relevé et envoyé près de Dunkerque pour un long repos.

II avait superbement accompli la dure mission que le commandement lui avait confiée, sachant qu'il en était; digne. Il avait perdu 32 officiers et 1.513 hommes mais il avait fait magnifiquement son devoir et, quelques semaines après, le Général Joffre venait épingler au drapeau la croix de guerre que le Général Gouraud lui avait conférée avec la citation suivante :

Le Général commandant la IVe armée cite à l'ordre de l'armée :

Le 2e régiment de marche de zouaves : « Aux ordres successifs du Lieutenant-Colonel Decherf et du chef de bataillon de Saint-Maurice, a préparé par un travail acharné son offensive de Champagne. S'est emparé le 25 septembre, avec un élan que n'a pu briser le feu meurtrier des mitrailleuses allemandes, de trois lignes de tranchées et d'un bois fortement organisé. A poussé le 26 une nouvelle attaque, prenant à l'ennemi quatre canons et un important matériel. Est resté en ligne jusqu'au 1er octobre sous un feu très dur d'artillerie lourde, organisant énergiquement et solidement le terrain conquis

Signé : Général GOURAUD

COTE DU POIVRE

Le régiment resta au repos jusqu'au mois de février dans la région de Dunkerque, puis de Bar-le-Duc, et au camp de Mailly. II utilisa cette période à panser ses blessures, faire de l'instruction et donner libre court à sa gaieté habituelle. Imitant en cela les zouaves de la Dobroudja et de Sébastopol, il saisit chaque occasion de donner des représentations théâtrales improvisées et de maintenir au plus haut degré son entrain et sa belle humeur. Le 15 février, il prenait la route de Verdun sous les ordres du chef qui l'avait tant de fois conduit à la victoire, le Colonel Decherf, revenu à peine guéri de sa blessure.

Verdun ! Ce nom qui incarne aux yeux de la France la ténacité héroïque de tous ses fils, mérite d'être inscrit en lettres d'or sur le drapeau du 2e Zouaves. C’est lui qui reçut le premier choc devant la Mère citadelle ; c'est lui qui, huit fois, reprit le chemin de la Meuse pour disputer lambeau par lambeau à l'ennemi les approches de la forteresse, c'est lui qui eut l’honneur, enfin, de rejeter l'Allemand, vaincu, d'un suprême coup d'épaule.

Le 21 février, quand le Kronprinz impérial déchaîna sur Verdun 600.000 soldats, l'élite de l'armée allemande, appuyée par toute l'artillerie dont pouvait disposer l'ennemi le 2e Zouaves se trouvait à Dieue-sur-Meuse. Le 22, au matin, il partait pour Bras où il passait la nuit sous la neige. Ce même jour, le 11e Bataillon, aux ordres du Capitaine André, était mis à la disposition du Général commandant la 72e division pour former réserve sur la route de Vacherauville à Beaumont. Les deux autres bataillons gagnaient, le 23, au petit jour, le bois des Fosses.

Les circonstances étaient déjà critiques. Les unités de première ligne, écrasées sous le feu, avaient dû se replier et laisser à l'ennemi toute notre première position. Les quelques survivants, isolés, mais groupés, un peu démoralisés, ne tenaient plus que quelques parcelles du terrain et étaient dans l'impossibilité de résister à une nouvelle attaque en masse. Beaumont et le bois de la Wavrille étaient perdus ; le bois des Fosses, coupé de ravins abrupts, était soumis sans interruption à des tirs inouïs de 210 et de 305 mêlés à de nombreux obus toxiques ; les zouaves ignoraient tout du terrain et de la position de l'ennemi ; ils ne s'en préparaient pas moins à défendre bravement le bois des Fosses.

Dans la soirée du 23, par une nuit noire, sous les bourrasques de neige, malgré un tir de 210 d'une violence sans précédent, le 1er Bataillon (Capitaine Marque), n'ayant aucune carte et ne connaissant pas le terrain, traversai à la boussole tout le bois des Fosses et prenait position à la lisière.

Le 24 au matin, le 5e Bataillon Commandant Jacquemin et le bataillon Melou, du 2e Tirailleurs, recevaient l'ordre de reprendre le bois de la Wavrille. Sous les ordres du Colonel Decherf, zouaves et tirailleurs s'élancent à l'assaut avec autant de calme et autant d'ordre que sur un terrain de manoeuvre. Mais l'ennemi avait massé de nombreuses troupes dans ce bois pour continuer sa ruée sur Verdun. Nos lignes d'assaut subissent de lourdes pertes sous le feu des mitrailleuses et les barrages d'artillerie. Elles n'en avancent pas moins, abordent l'ennemi à la baïonnette et pénètrent dans le bois.

Ce succès local ne pouvait être qu'éphémère, on ne lutte pas à un contre cent. Les unités de gauche et de droite, attaquées vers 13 heures, sont obligées de lâcher pied ; de toutes parts jaillissent les fusées blanches qui marquent les progrès de l'avance allemande. Elles apparaissent bientôt dans le bois des Fosses même ; il fallait choisir entre une capture inutile ou la retraite. Le Colonel Decherf lança l'ordre de repli. Par échelons, sans cesser de tirer, imposant à l'ennemi leur volonté, les 1er et 5e Bataillons gagnent les hauteurs de Froideterre où ils se placent en réserve de troupes fraîches qui viennent d'arriver.

Seules, la compagnie Chenoriot et les sections de mitrailleuses régimentaires, sous les ordres du Capitaine Marque, prennent une route légèrement différente et viennent se placer aux abords de Louvemont. Elles allaient contribuer, le 25, à arrêter presque définitivement l'offensive allemande sur la côte du Poivre et permettre au Général Pétain d'amener ses réserves stratégiques.

Le 25, à 10 heures, l'ennemi lance une première attaque sur Louvemont et est repoussé. Une, nouvelle attaque à 14 heures prend pied dans les tranchées françaises, mais est rejetée par une contre-attaque impétueuse. A 16 heures, l'ennemi lance une attaque générale sur tout le front, de Douaumont à la Meuse. Le combat est héroïque. Fatigués par trois jours de bataille sans ravitaillement, écrasés sous les obus, les zouaves se cramponnent au terrain.

Les mitrailleuses crépitent sans interruption et recouvrent le sol d'un manteau gris de cadavres. La mitrailleuse du Caporal Catinaud s'enraye ; il n'a pas le temps de chercher les outils nécessaires, il plonge le doigt dans le mécanisme et malgré la douleur que lui cause une coupure atroce, continue le tir. L'ennemi, cependant, progresse ; à notre gauche, il entre dans Louvemont et parvient à prendre pied dans nos tranchées. Les zouaves se battent corps-à-corps. Le caporal Duret, percé de deux coups de baïonnette, reste sur sa pièce de mitrailleuse et abat de nombreux Allemands à coups de mousqueton.

Tant d'héroïsme n'était pas dépensé en vain. Le 25, malgré l'importance des attaques allemandes, la progression fut presque nulle. Par la « Voie Sacrée », les camions automobiles amenaient sans répit les troupes fraîches et les canons. Le 2e Zouaves avait perdu 31 officiers et 1.650 hommes, mais il pouvait être fier, car il avait contribué pour une large part à sauver Verdun.

AVOCOURT

Pendant que le régiment recevait, dans la région de Neufchâteau, les renforts qui lui étaient nécessaires, l'ennemi continuait à s'acharner sur Verdun. Ses attaques, localisées d'abord sur la rive droite de la Meuse, s'étaient peu à peu amplifié. Il avait pris Béthincourt, Forges et le bois d'Avocourt et il faisait des efforts acharnés pour s'emparer du Mort-Homme et de la côte 304. La 37e Division, sous le commandement du Général Niessel était dirigée d'urgence sur la rive gauche de la Meuse et le 2e Zouaves recevait la mission de défendre le plateau des Rieux, qui domine Avocourt à l'Est et relie le village au bois d'Avocourt.

Entré en secteur le 20 avril, il ne fut relevé que le 30 mai ; pendant cette dure période, sous un tir incessant de l'artillerie lourde allemande, malgré une lutte acharnée à la grenade devant le bois Carré, il ne perdit pas un pouce de terrain, créa de toutes pièces un secteur entier, refaisant d'heure en heure les retranchements que détruisait le feu de l'ennemi.

Il contribua ainsi de toutes ses force à empêcher l'allemand de progresser sur la rive gauche de la Meuse et de tourner Verdun.

Relevé le 30 mai pour aller au repos à Brabant-en-Argonne, il avait perdu en avant de la forêt de Hesse 6 officiers et 350 hommes.

FORT DE VAUX

L'ennemi, désespérant de prendre pied au Mort-Homme et à la côte 304, avait dans les derniers jours du mois de mai, lancé plusieurs attaques à grande envergure sur la rive droite de la Meuse. Dans les premiers jours de juin, il avait réussi à remonter les pentes du ravin de la Morgue et le 5 juin il avait pris pied dans le fort de Vaux.

L'héroïque garnison du Commandant Raynal, submergée, avait été forcée de se réfugier dans les casemates souterraines et d'abandonner à l'ennemi toute la superstructure du fort. Le kronprinz impérial se vantait de s'être emparé de la « pierre angulaire de la défense de Verdun ».

Le Général Nivelle, commandant l'armée fit appel pour rétablir la situation au 2e Zouaves et au régiment colonial du Maroc dont il forma une brigade provisoire sous les ordres du Colonel Savy. Le 6 juin, le régiment enlevé en auto, venait cantonner à minuit à Haudainville et préparait se combat.

« Général, avait dit le Général Nivelle au Général Hirschauer en lui amenant les chefs de corps du 2e, Zouaves et du régiment d'infanterie coloniale du Maroc, je vous présente les colonels des deux plus beaux régiments de France »

Le 2e Zouaves eut à coeur de prouver qu'il méritait cette parole flatteuse dans la bouche d'un tel chef et c'est en chantant que les bataillons montèrent à Vaux, où ils savaient que les attendaient !es plus dures épreuves de toute la campagne.

Le 11e Bataillon, sous les ordres s du Commandant Jérôme, devait prendre position dans la nuit du 7 au 8 à la tranchée de Besançon quelques dizaines de mètres à l'ouest du fort, et se lancer à l’assaut à 3 Heures. Des guides du 298e devaient le conduire par le boyau d'Altkirch. Par trois fois, sous un bombardement effroyable, le colonel du 298e envoya les hommes nécessaires vers le fort de Tavannes ; trois fois tous ces braves trouvèrent la mort. Le commandant Jérôme ne trouva personne à Tavannes pour lui indiquer la route et, après un long retard, il prit le boyau de l'Étang, plus praticable, mais beaucoup plus long. Vers 2 heures, il atteignait le P.C. du bois Fumin avec deux de ses compagnies ; les deux autres, échelonnées à quelque distance, privées de tout guide dans une nuit noire, sur un terrain coupé de ravins profonds et inconnu de tout officier, soumis en outre à un effroyable bombardement de 305 et de 210, avaient essayé de prendre le boyau d'Altkirch, avaient dû revenir en arrière et prendre le boyau de l'Étang où elles s'étaient mélangées

à d'autres unités.

Sentant approcher l'heure de l'attaque, le commandant Jérôme prenait la tête de son bataillon avec quelques officiers et sa liaison et s'avançait vers les tranchées de départ. Avec les premières lueurs du jour, l'ennemi intensifiait encore son tir. A mi-chemin environ entre le P. C. du bois Fumin et la première ligne, le Commandant Jérôme, tous les officiers qui l'accompagnaient et toute la liaison tombaient mortellement frappés par une rafale de 210. A 3 heures, le bataillon, privé de tous ses chefs, n'avait pu parvenir à la tranchée de Besançon ; l'attaque ne pouvait avoir lieu. Ordre était donné aux survivants, commandés par un jeune sous-lieutenant, d'aller se reformer au tunnel de Tavannes. Le Colonel Decherf prescrivait au 1er Bataillon (Commandant Pasquier) d'assurer, le 8 au soir, la relève du 298e à la tranchée de Besançon.

A 3 h. 30, l'ennemi attaquait et était repoussé par le 298e. A 18 heures, il renouvelait une attaque par surprise et réussissait à s'emparer de la tranchée de Besançon et de tous ses occupants. Quand le 1er Bataillon arriva, vers 21 heures, il trouva ses emplacements aux mains de l'ennemi et eut une superbe attitude. Le Capitaine Chénoriot, qui se trouvait en tête, est saisi par deux Allemands, fait prisonnier et privé de ses armes. Il se laisse faire sans résistance et, au moment d'être dirigé sur l'arrière, bousculé par les deux soldats, un trait d'héroïque initiative illumine son esprit : « Tenez-vous tranquilles, crie-t-il à ses deux gardiens et n'oubliez pas que je suis capitaine ». Les Allemands, impressionnés, desserrent leur étreinte ; deux coups de poing les envoient rouler à terre. Le capitaine gagne l'arrière à la course sous le feu de l'ennemi. Cette scène a duré quelques minutes à peine ; il a le temps d'alerter les unités du bataillon qui arrivent et de faire organiser une nouvelle position à quelques mètres de la tranche perdue.

Alors commença une période de dix jours de souffrances atroces que les zouaves supportèrent avec un sublime héroïsme. Le bombardement ne cessait pas, effroyable. Impossible d'enterrer les mors ; impossible d'assurer le ravitaillement. Les hommes n'avaient, par la chaleur de juin et au milieu de la puanteur des cadavres, qu'un quart; d'eau par jour et par section.

Le commandant Gilbert, du 5e Bataillon, avait été à son tour mortellement blessé. 19 officiers et 846 hommes étaient tombés.

Les survivants avaient supporté sans se plaindre des plus dures souffrances. Mais, malgré ses attaques incessantes, l'ennemi n'avait pas progressé d'un mètre et c'est avec une émotion visible que le Général Hirschauer vint, le 17 juin, le régiment étant relevé, féliciter et remercier le Colonel Decherf.

FLEURY

Après quelques jours à Nubécourt, où le régiment célébra sa fête traditionnelle, il rejoignait à Brabant-en-Argonne la 37e Division, toujours en secteur. Le 9 juillet, la division entière était relevée et le 2e Zouaves, enlevé, en automobiles, venait cantonner à Chamouilley où il devait se reformer et reprendre l'instruction.

L'ennemi ne lui permit pas de jouir longtemps de ce repos. Le Kronprinz venait en effet de lancer une nouvelle et puissante offensive sur la rive droite de 1a Meuse, s'était emparé de Fleury devant Douaumont et avait progressé jusqu'à la poudrière. Il n'était plus qu'à trois kilomètres de Verdun. En attendant que la contre-offensive franco-britannique lancée sur la Somme, le 1er juillet ait pu produire ses fruits, il fallait que l’armée de Verdun se sacrifie avec ses propres ressources, arrête l'avance allemande et, demande à ses troupes décimées un dernier effort peur barrer la route de la vieille citadelle.

Le 14 juillet, la 37e Division était enlevée en automobiles. Le 2e Zouaves passait la nuit au bois de la Ville et venait prendre place, le 15 au matin, dans les casernes de Verdun en attendant le résultat de l'attaque que prononçait sur Fleury la 74e Brigade : 3e Zouaves et 3e Tirailleurs s'élancèrent courageusement à l'assaut et progressèrent légèrement au prix de pertes énormes. Dans la nuit du 15 au 16, le 2e Zouaves, qui n'avait reçu que quelques hommes de renfort depuis Vaux, relevait le 3e Zouaves et recevait l'ordre d'attaquer le 16, à 3 h. 15, la crête qui relie Thiaumont à Fleury.

Aucun officier ne connaissait le terrain, ni les emplacements exacts de l'ennemi. Les trous d'obus aménagés étaient trop près des mitrailleuses allemandes pour que le tir de l'artillerie fût efficace. Tous savaient qu'ils marchaient à la mort, mais que leur sacrifice était indispensable, et ils partirent superbement à l'assaut. Malgré le feu des mitrailleuses, la progression du 11e Bataillon (Commandant Marchal) atteint cependant 400 mètres de profondeur ; celle du 1er Bataillon (Commandant Pasquier), 300 mètres environ. Les pertes avaient été lourdes ; il ne fallait plus songer à l'offensive ; les deux bataillons se cramponnèrent au terrain et le conservèrent intact pendant plus de quinze jours.

Le 5e Bataillon, sous les ordres du Capitaine Thomas, était resté en réserve. le 15 au soir, il était mis à la disposition du Colonel Thouvenel commandant le 3e Tirailleurs, face à la poudrière de Fleury. Le 19 juillet, il recevait l'ordre d'enlever cet ouvrage fortement organisé. A 22 h.30, profitant d'une nuit assez obscure, il lançait sur la poudrière une attaque concentrique, brisait la résistance ennemie, plaçait ses mitrailleuses à l'entrée de la route de la poudrière causait aux défenseurs des pertes considérables et capturait plus de 300 allemands dont 8 officiers, chiffre supérieur a son propre effectif.

L'attaque de Fleury avait coûté au 2e Zouaves, déjà bien affaibli par les affaires de Vaux, 19 officiers et 620 hommes ; mais, relevé le 28 juillet, il partait ,joyeux au repos, car les trois fanions de ses bataillons possédaient maintenant la croix de guerre. Le 5e Bataillon était en effet cité en ces termes :

Le général commandant la IIe Armée cite à l'ordre de l'armée

Le 5e bataillon du 2e régiment de marche de zouaves et le peloton de grenadiers du 3e tirailleurs : « Sous le commandement du capitaine Thomas, se sont emparés d'un ouvrage ennemi solidement organisé en y faisant plus de 300 prisonniers dont 8 officiers ».

Signé : Général NIVELLE.

DOUAUMONT

Au bout de quelques jours de répit, le 2e Zouaves fut envoyé en Lorraine pour tenir le secteur de Nomény où, tout en harcelant l'Allemand, il finit de se reconstituer.

Pendant son séjour à Nomény, l'offensive franco-britannique de la Somme n'avait cessé de se développer. Pour faire face à ces coups de bélier répétés, l'ennemi avait dégarni le front de Verdun, transporté sur la Somme une partie de son matériel et suspendu ses attaques. Le Général Joffre estima que les circonstances étaient favorables pour donner de l'air à Verdun et décida, dans les derniers jours d'octobre, une offensive importante qui nous permit de reprendre les deux positions maîtresses de la rive droite de la Meuse : des forts de Douaumont et de Vaux.

La 37e Division, en réserve, n'avait pas été engagée, mais elle fut désignée pour relever les troupes victorieuses et elle prit position, le 1er novembre, aux abords du fort de Douaumont ; le 2e Zouaves était chargé de défendre les abords Est, ainsi qu'une tourelle. Il y resta du 1er au 10 novembre, sous un très violent bombardement qui empêchait de creuser des abris et des tranchées, sous une pluie glacée qui transformait le terrain bouleversé en un immense bourbier.

L'ennemi, sentant la valeur des groupes qui lui étaient, opposées, n'essaya pas de contre-attaquer, mais le régiment n'en eut pas moins à supporter de dures souffrances et des pertes sensibles (7 officiers et 282 hommes).

La brillante attaque du mois d'octobre nous avait rendu Vaux et Douaumont, mais ces forts restaient à proximité immédiate des lignes allemandes, à la merci d'une contre-attaque sérieuse. Une nouvelle offensive d'ensemble fut ordonnée pour le 15 décembre 1916 de manière à rejeter l'ennemi à trois kilomètres au delà. La 37e Division était désignée pour partir des positions de Douaumont qu'elle venait récemment d'occuper.

La mission confiée au 2e Zouaves, commandé par un nouveau chef, le Lieutenant-Colonel Bonnery, était particulièrement dure et périlleuse. Le fort de Douaumont, aux abords duquel il devait prendre place, était l'objet de tirs incessants de l'artillerie allemande. Le terrain, bouleversé de fond en comble par une année de combats ininterrompus, n'était qu'une succession de trous d'obus que l'hiver avait transformés en fondrières. A chaque pas, les hommes s'enlisaient et risquaient de périr dans la boue sans un prompt secours ; les ravitaillements étaient presque impossibles.

Le 11e Bataillon n'en monta pas moins en ligne le 11 décembre avec gaieté, car il sentait que la victoire allait bientôt couronner ses efforts. Après plusieurs contre-ordres qui ramenèrent le régiment à Verdun, le 2e Zouaves se trouvait, dans la nuit du 14 au 15 décembre : le 11e Bataillon en première ligne, le 1er Bataillon en soutien immédiat., le 5e Bataillon en réserve, près des abris Adalbert.

L'attaque était prévue pour le 15 à 10 heures ; l'ennemi aux aguets, ne cessa pendant toute la matinée d'exécuter un tir intense de contre-préparation que les zouaves supportèrent stoïquement. Ils avaient perdu plus de 500 hommes avant le départ, mais, entraîné par le commandant Thomas le 11e Bataillon s'élança superbement sur l'ennemi stupéfait. En moins d'une heure, il franchit les tranchées allemandes de Douaumont, le ravin du Helly bondé de mitrailleuses et atteignit son objectif aux abords de la côte 347 en faisant une centaine de prisonniers.

Le 1er Bataillon, dont le chef, le Commandant Pasquier, avait été blessé la veille, le dépassait vers 12 heures, entraîné par le capitaine Louvet qui ne tardait pas à être blessé à son tour. Sans se soucier du danger, malgré leur situation délicate, car les troupes voisines ne progressaient pas aussi vite, les zouaves avancèrent sans répit, franchirent le ravin de l'Hermitage et atteignirent en quelques instants leur objectif final : la tranchée du bois Le Chaume. A 13 h. 15, le Lieutenant Caussy, qui avait pris le commandement de ce bataillon, pouvait rendre compte qu'il avait accompli sa mission et capturé plus de 400 prisonniers, deux batteries de campagne et une batterie de mortiers de 150. Il demandait en outre des renforts pour étayer ses flancs où il ne pouvait assurer la liaison avec les régiments voisins, arrêtés sur les premiers objectifs.

Ce compte-rendu fut confié au zouave Denuch, qui partit allègrement avec sa vaillance coutumière. Arrivé Près du ravin de l'Hermitage, il se heurte à un groupe de six allemands qui le mettent; en joue ; il ne perd pas son sang-froid, déchire le pli dont il est chargé et se laisse faire prisonnier. Mais, en cours de route, il fit comprendre à l'officier allemand qu'il se trompait de route, réussit à le convaincre et ramena fièrement au P. C. de son commandant de bataillon les six boches stupéfaits. Il repartit immédiatement accomplir à nouveau sa mission.

La journée du 16 décembre fut plus sombre ; pendant la nuit, l'Allemand avait contre-attaqué par trois fois sans résultat et le colonel avait renforcé la première ligne par la Compagnie Greslé. Une reconnaissance, envoyée très tôt dans la matinée sur le ravin des Rousses, s'était heurtée à des mitrailleuses. L'ennemi renforçait peu à peu son front, et dans l'après-midi, attaquait le flanc découvert de nos premières lignes. Les hommes n'avaient, plus de munitions, la lutte se fit à coups de baïonnette, puis à coups de crosse. Les survivants du bataillon durent battrent en retraite et se regrouper avec le 5e Bataillon à la tranchée de Cobourg.

Le colonel venait de recevoir le bataillon Gaugeot du 137e d'Infanterie. Il n'hésita pas à ordonner une attaque de ce bataillon et des éléments des 1er et 5e Bataillons, sous les ordres du Commandant Morin. Quelques heures après, les positions du matin étaient à peu près reprise et la liaison assurée vers la droite avec la 74e brigade qui avait atteint ses objectifs.

Malgré une violente contre-attaque, le 17 décembre à l0 heures, le régiment n'avait perdu aucune de ses positions, quand il fut touché, le 18 au soir par un ordre de relève. Parti au combat avec 2.000 hommes à peine, il avait laissé sur le terrain 28 officiers et 1187 hommes, mais la tache accomplie était belle. Verdun était définitivement dégagé.

Et l'uniforme des zouaves s'ornait désormais de la fourragère aux couleurs de la croix de guerre que lui méritait la citation suivante



Le Général commandant la IIe Armée cite à l'ordre pie l'armée

Le 2e Régiment de Marche de Zouaves: « Le 15 décembre 1916, sous le commandement du Lieutenant-Colonel Bonnery, s'est élancé à l'assaut avec la plus belle ardeur, malgré les difficultés du terrain et un violent bombardement. Surmontant les résistances de l'ennemi, a atteint à l'heure fixée, après une marche de plus de trois kilomètres, l'objectif qui lui était assigné, s'y est maintenu malgré de violentes contre-attaques, a fait de nombreux prisonniers, capturé dix canons et un matériel de guerre considérable ».

Signé : Général GUILLAUMAT

LE GODAT

Après 3 mois passés en première ligne dans le secteur de Prunay près de Reims où il avait relevé le régiment russe du Général Nitchvolodof, le 2e Zouaves était remis en réserve le 2 avril 1917. Son nouveau chef était le Lieutenant-Colonel de Metz.

Le régiment désigné pour prendre part à l’offensive générale autour de Reims prenait position le 15 avril à l'est du canal du Godat. Devant lui le mont Spin hérissé de défenses redoutables et de nombreux observatoires.

L'attaque se déclanche le 16 avril à 6 h. En tête le 1er Bataillon, que doit suivre le 5e Bataillon (Morin) puis le 11e Bataillon (Despas).

Elle se heurte immédiatement à des fortins qu'il faut faire tomber un à un. Le 1er Bataillon s'arrête après avoir subi de très fortes pertes au pied même du mont Spin. Le bataillon Morin est engagé sur la droite du 1er pour assurer la liaison avec le 2e Tirailleurs. Les deux premières compagnies entraînées magnifiquement par les Capitaines Greslé et Cadiou s'alignent sur les éléments avancés du 1er Bataillon après de durs combats à la grenade. Le commandant Morin est mortellement blessé.

Le 11e Bataillon, dont le chef, le Commandant; Despas, est également blessé, se porte en soutien des bataillons de tête.

Seules de l'ensemble de l'armée, les unités du 2e Zouaves avaient pu progresser, ayant perdu 23 officiers et 690 hommes.

LORRAINE - BEZONVAUX - COTE 344

Après avoir occupé le front de Lorraine de mars à novembre 1917, le régiment fut dirigé sur Verdun où il prit position aux Nord du fort de Vaux. Dès le 23 novembre il passait dans un autre secteur de Verdun pour prendre part avec les autres régiments de la division à l'attaque de la côte 344. A droite, en 1ere ligne, le 5e Bataillon (Guillaume) à sa gauche, le 11e Bataillon (Despas), en réserve le 1er Bataillon (Huot).

Le 25, l'ennemi déclanchait un violent tir de barrage d'artillerie. A 12h 20 l'attaque est lancée. Malgré, la perte de nombreux officiers les compagnies s'avancent péniblement sur un terrain transformé en une immense fondrière par la pluie qui tombe, continue, depuis la veille.

Le 5e Bataillon progresse normalement, mais le 11e est obligé de stopper complètement enlisé. Grâce à l'intervention de la compagnie Minvielle, les Allemands sont contraints à la retraite et le régiment atteint tous ses objectifs le 27 au matin. Il avait perdu 17 officiers et 770 hommes.

Le 2e Zouaves recevait la citation suivante

Le Général commandant la 37e Division cite à l'ordre de la division

Le 2e Régiment de Marche de Zouaves ; « Régiment animé du plus bel enthousiasme et de la foi patriotique la plus profonde. Le 25 novembre 1917 sous les ordres du Lieutenant-Colonel de Metz, après avoir été soumis pendant plusieurs heures au violent bombardement de l'artillerie ennemie, est sorti d’un superbe élan de ses tranchées malgré les plus grandes difficultés, a conquis tous ses objectifs, mettant l'ennemi en fuite et lui enlevant des prisonniers et du matériel».

Signé: GARNIER-DUPLESSIS.

NOMENY

Le régiment quitta Dugny en chemin de fer le 1er décembre pour aller jouir d'un repos bien gagné, dans la région de Bar-sur-Aube. Le 15 décembre, il gagnait par étapes Monthureux-sur-Saône d'où il repartait le 21 Janvier pour aller reprendre le même secteur qu'il avait occupé en août 1916, à Nomény et Clamery. Il allait s'illustrer à nouveau en opérant, le 23 mars 1918, un coup de main superbement réussi.

Au nord-est, de Nomény s'étendait un vaste réseau de tranchées organisées depuis plusieurs années, puissamment défendues par des mitrailleuses et par d'épais réseaux de fils de fer, garnies d'abris à l'épreuve. Le commandement avait besoin de prisonniers pour se renseigner sur l’ordre de bataille de l'ennemi ; ordre fut donné au 2e Zouaves de préparer un coup de main important, de pénétrer de deux kilomètres dans les lignes allemandes en direction du moulin de Mailly et de faire prisonniers les occupants de deux lignes de tranchées successives : la tranchées des Brotteaux et la tranchée de Bellecourt. L'opération fut confiée au 1er Bataillon (Capitaine Louvel), à la 43e Compagnie et la CM 11 ; l'ensemble de l'Infanterie étant sous les ordres du Commandant Corap.

Le 23 mars 1918, à 17 h. 40, les zouaves sortaient avec un entrain endiablé de leurs positions de départ, pénétraient dans les positions adverses par les brèches que l'artillerie leur avait créées, nettoyaient en quelques instants la tranchée des Brotteaux, de Bellecourt, ainsi que le moulin de Mailly, et rentraient victorieusement dans nos lignes, après avoir atteint tous leurs objectifs exactement, suivant l'horaire prévu.

Nous avions perdu 2 officiers et 57 hommes seulement, tué à l'ennemi de nombreux soldats et nous ramenions dans nos lignes toute la garnison ennemie (60 prisonniers) et un important matériel.

Quelques jours après, la 37e Division quittait tout entière la Lorraine, s'embarquait en chemin de fer, arrivait le 15 avril dans la région de Granfresnoy (Oise) et se préparait à monter en secteur près d'Amiens.

VILLERS BRETONNEUX

Entre temps, l'armée allemande avait déclanché un formidable offensive vers Amiens et; avait reconquis Péronne, Montdidier, Noyon. Il fallait à tout prix l'empêcher de reprendre Amiens, et maintenir la liaison entre l'armée française et l'armée britannique.

Le Division fut envoyée devant Amiens et chargée de couvrir la ville en assurant un contact étroit avec un corps d'armée australien ; elle allait maintenir intact ce secteur pendant trois mois.

Placé au hasard des relèves intérieures de la division, tantôt devant Villers-Bretonneux, tantôt face au bois de Hangard, le 2e Zouaves mania la pioche et le fusil avec son entrain et sa confiance. En quelques semaines, organisa de toutes pièces un secteur puissamment fortifié et malgré toutes les tentatives, malgré le feu souvent intense de l’artillerie, malgré les avalanches d'obus toxique, malgré les pertes subie, aucun Allemand ne pénétrât vivant dans ses lignes.

Quelques Jours après sa relève, il recevait la mission d'attaquer à fond ; le 2e Zouaves allait conquérir en quelques semaines une magnifique moisson de lauriers.

MOREUIL

La tâche confiée le 8 août au 2e Zouaves était digne de lui : enlever d'un seul bond les tranches du moulin de Thennes d'où l'ennemi avait fait partir tant d'attaques, s'emparer d'un seul élan du bois de Moreuil, position formidable d'où les observatoires allemands dominaient au loin les vallées de l'Avre et de la Luce et atteindre le village de Plessier-Rozainvillers. La progression à réaliser dans la première journée seule était de plus de dix kilomètres de terrain très coupé. A lui seul, le bois de Moreuil, fouillis inextricable de fil de fer, de tranchées et d'arbres abattus, semblait un obstacle presque infranchissable.

A 5 h. 05, après une magnifique préparation d'artillerie, le 5e Bataillon, superbement enlevé par le commandant Rodary, s'élançait à l'assaut, tête haute, avec une héroïque fierté. Le tir de l'artillerie ennemie creuse des trous sanglants dans les rangs ; les zouaves ne s'en soucient guère, enlèvent le moulin de Thennes et commencent une lutte acharnée dans le bois de Moreuil. Rien ne peut arrêter leur élan, ni le feu des mitrailleuses, ni les obstacles amoncelés à chaque pas. A 6 h. 50, le 5e Bataillon avait progressé de quatre kilomètres, vaincu toutes les difficultés et cédait au 11e Bataillon la place d'honneur à l'avant-garde. Il avait bien vengé son chef, l'héroïque commandant Rodary, qui venait de trouver en pleine victoire la plus belle mort que puisse rêver un soldat tel que lui.

En avant du bois de Moreuil, le terrain était coupé de moins d’obstacle. Une série de larges ondulations conduisait jusqu’au village de Plessier-Rozainvillers et offrait un superbe champs de tir aux mitrailleuses allemandes. Le commandant Despas engagea cranement son bataillon sur ces glacis meurtriers, manoeuvrant avec la plus grande habileté pour s’emparer des mitrailleuse par les régiment voisins.

Quelle belle journée que celle du 8 août ! Sans pertes trop sensibles, le 2e Zouaves avait fait plus de 300 prisonniers et capturé 22 canons avec de nombreuses mitrailleuses. Plus de tranchées où l'on doit mener « la guerre de taupes », mais la guerre de mouvement où le soldat français retrouve devant l'espace libre ses vraies qualités de race : l'ardeur et l'initiative.

Le 9 août, le 1er Bataillon (Capitaine Cordier), qui avait reçu la mission d'avant-garde, dépasse d'un bond le cimetière du Plessier et s'engage crânement sur le glacis qui sépare Hangest-en-Santerre du bois des Lorettes. Sa progression, d'abord rapide, se ralentit peu à peu sous le feu meurtrier des mitrailleuses qui défendaient la lisière des bois. Force fut de s'arrêter vers 15 heures après avoir réalisé une avance de quatre kilomètres ; mais, forts d'une confiance inébranlable dans le succès, les zouaves refusent de s'en tenir là : la compagnie Lalanne se rapproche lentement des mitrailleuses ennemies, s'élance d'un seul bond sur l'ennemi stupéfait, s'empare de tous les défenseurs de la côte 97 et ouvre au régiment pour le lendemain, toute large, une route que l'ennemi croyait bien gardée.

Quelques heures après cette action d'éclat, le 10 août à 4 h. 30, le régiment reprenait sa marche en avant. Les quelques mitrailleurs dont l’ennemi avait parsemé la route de sa retraite lèvent les bras, apeurés. Presque au pas de course, dépassant tous ses camarades de combat, le 2e Zouaves franchit la côte 97, les villages d'Eches, Andechy, Villers-les-Roye et s'infléchit légèrement vers la droite pour atteindre l'Avre aux portes mêmes de Roye. Devant lui s'enfuyaient au loin d'interminables convois. La victoire était entière, l'ennemi en pleine déroute.

Une division allemande fraîche venait cependant de prendre position devant Roye avec mission de résister à tout prix. A la tombée de la nuit, le régiment se heurta aux premières troupes d’avant-garde ; il était très en pointe par rapport aux autres unités de la 37e Division et ne pouvait tenter seul l'attaque de Roye, protégée par un terrain coupé de bois. Il s'arrêta devant les boqueteaux dits : bois du Moulin et bois des Boches, en attendant l'aurore pour pousser de l'avant.

Un trait d'héroïsme prouvera, mieux qu'un long récit combien les zouaves victorieux conservaient, après quatre jours de fatigues inouïes, un entrain endiablé. Le Lieutenant Claudel, avec une poignée d'hommes, longeait les marais de l'Avre pour reconnaître la situation de l'ennemi. Il capture quelques prisonniers, se prépare à les diriger sur l’arrière quand apparaît une section de mitrailleuses allemande commandée par un officier. Le Lieutenant Claudel se précipite seul, revolver au poing, et s'empare de la section épouvantée. Un deuxième groupe de huit hommes s'approche à quelques secondes d'intervalle ; l'officier prend un fusil et, sans perdre une balle, abat six ennemis. Voyant arriver des renforts, il rentre enfin dans nos lignes avec tous ses prisonniers.

Ceci n'est qu'un trait entre mille. Jamais peut-être l'héroïsme ne s'éleva aussi haut qu'au cours de ces trois journées des 8, 9 et 10 août 1918. Gloire à tous ces braves qui venaient de porter à l'Allemagne un coup terrible et qui allaient voir bientôt, fruit de leur courage, une troisième palme s’ajouter à leur drapeau avec la citation suivante

Le général commandant la Première Armée cite à l'ordre de l’armée le 2e Régiment de Marche de Zouaves : « Sous les ordres du Lieutenant-Colonel De Metz, a effectué en trois journée de combat et de brillantes manœuvres du 8 au 10 août, une progression de 22 kilomètres dans les lignes ennemies. Véritable régiment d'avant-garde, a poussé le 10 août au delà de ses objectifs pour occuper des points dominants et faciliter ainsi aux régiments voisins le passage de l’Avre. A capturé dans ces trois journées 19 canons, 60 mitrailleuses et plusieurs centaines de prisonniers ».

Signé Général DEBENEY

NOYON

Dix jours de repos à peine furent accordés au régiment. Dès le 19 août, i1 commençait une série de marches de nuit qui l'amenaient, le 27 août, au nord de Compiègne. De toutes parts, l'ennemi était talonné par les armées alliées ; ses pertes augmentaient chaque jour sans qu'il put combler les vides creusés dans ses rangs. Le moment était venu de frapper les coups décisifs et de « bouter l'ennemi hors de France ».

Le 28 août, une offensive d'ensemble était ordonnée ; la 37e Division attaquait, sa droite appuyée à l'Oise. Le 2e Zouaves formait l'aile gauche de la division. Le terrain était difficile, les lignes séparées par la Divette, gros ruisseau augmenté par les pluies récentes et qui présentait un sérieux obstacle au débouché des vagues d'assaut. A quelques kilomètre en arrière, les hauteurs de Larbroye et du mont Renaud, sur lesquelles nos troupes avaient lancé tant d'attaques infructueuses. Les ordres ne parvinrent au chef de corps cinq heures avant le départ le l’assaut; les zouaves n'en eurent connaissance quelques instants avant l'heure fixée, mais il n'y eut pas un seul retardataire ; la joie au coeur, tous bouclèrent leurs sacs, plièrent leur couverture. A 5 heures, la Divette était franchie par des moyens de fortune et le 1er Bataillon (Commandant Louvet) commençait sa marche sur Noyon.

Dives-le-Franc et Larbroye tombèrent entre nos mains sans trop de résistance, mais l'ennemi, qui voulait se retrancher sur le canal du Nord, commença, à partir de Larbroye, à exécuter sur nos troupes un tir de mitrailleuses et d'artillerie d'une violence extrême. La progression, d'abord ralentie, dut bientôt s'arrêter tout à fait. A la nuit, une infiltration audacieuse permettait cependant aux unités de tête de border le canal du Nord.

Il fallait que Noyon fût à nous, malgré toutes les tentatives de l’ennemi. Le 29 août, à 5 heures, le 5e Bataillon, vigoureusement entraîné par le capitaine Hamel, s’élançait à l’assaut. Sous le tir des mitrailleuses, le canal du Nord est franchi d'un bond ; les zouaves s’engagent crânement dans les marais de la Verse où ils s’enfoncent jusqu'à mi-jambe sous une avalanche d'obus toxiques, pénètrent dans le quartier de Cavalerie malgré les efforts désespérés des Allemands et engagent autour des casernes et dans le hameau d'Happlincourt un corps à corps acharné. La division de gauche, décimée, n'avait pas progressée ; le régiment, découvert sur son flanc gauche, cloué sur place par les barrages de mitrailleuses, fit face au nord et s'installa entre la Verse et Happlincourt, aux lisières mêmes de Noyon que le 2e Tirailleurs venait de nettoyer.

La 37e Division avait reconquis la vieille cité médiévale et, tout proches, les morts de Cuts, de Tracy et de Quennevières ont dû ce jour là tressaillir d'aise dans leur glorieux linceul.

L'attaque reprit le 30 août. Sous un feu intense, le commandant Despas lança le 11e Bataillon sur les pentes du mont Saint-Siméon, en liaison avec le 3e Zouaves. La progression fut rude ; les hommes durent avancer par infiltration, en rampant sous les balles, mais, animés d'une sublime abnégation, ils atteignirent envers et contre tous la tranchée du Lacet, au sommet même du mont Saint-Siméon, privant l'ennemi de son plus dangereux observatoire.

Il fallut s'arrêter à nouveau, se fortifier sur place pour résister aux nombreux retours offensifs des troupes allemandes qui furieuses d'avoir perdu la ville, voulaient à tous prix nous arracher nos bains. Nos Pertes avaient été lourdes ; le feu, la fatigue, les gaz toxiques avaient décimé les unités encore affaiblies par les pertes de Moreuil : pas un homme ne recula ; à défaut de chefs, de simples soldats électrisent leurs camarades et font passer dans les rangs des frissons d'héroïsme.

Citons un seul trait : l'équipe de fusiliers-mitrailleurs du zouave Bellegueule, a brûlé toutes ses cartouches ; l’ennemi va attaquer et les hommes hésitent : « Les enfants, hurle-t-il, mon revolver est encore chargé, toutes les balles pour les Boches, la dernière pour moi » Tous se redressent : la contre-attaque échoue.

Avec de tels hommes, le régiment ne pouvait pas perdre un pouce de terrain. Quand, quelques jours après, l'ennemi, harassé, dut se décider à nouveau à la retraite, c'est avec un même élan que tous s'élancèrent à sa poursuite, méprisant à chaque instant les dangers et ne laissant aucun répit aux arrière-gardes.

Le 4 septembre, le régiment dépassait le château de Salency, Béhéricourt et la croix de Béhéricourt. Le 5 septembre, il traversait Grandrupt, Mondescourt, Marest-Dampcourt et, malgré des barrages effroyables, se maintenait sans cesse en contact étroit avec le boche. Le 6 septembre, il enlevait Chauny, Vitry-Noureuil et, n'écoutant que son courage, s'arrêtait seulement devant Vouel, très en flèche par rapport aux unités voisines et forcé de se défendre sur tous les points. Le 7 septembre, enfin, par une habile manoeuvre, il franchissais le canal Crozat, s'emparait de Tergnier et Fargnier et s'arrêtait aux portes de La Fère en interdisant à l'ennemi toute contre-attaque.

Sa mission désormais terminée, après quelques jours de secteur, il gagnait ses cantonnements de repos la tête haute, fier du devoir noblement accompli et couronné des plus beaux lauriers. Le nom de Noyon, qu'auréole le sang de 700 hommes du 2e Zouaves, restera pour toujours inscrit glorieusement parmi les plus beaux faits d'armes de notre régiment, si riche cependant en héroïsme.

La magnifique citation suivante allait d'ailleurs récompenser les survivants et valoir au 2e Zouaves l'honneur de porter la fourragère aux couleurs de la médaille militaire.

Le Général commandant la IIIe Armée cite à l'ordre de l'armée

Le 2e Régiment de Marche de Zouaves : Régiment d'élite. Sous le commandement éclairé et froidement résolu de son chef de corps, le Lieutenant-Colonel de Metz, a franchi de vive force, le 28 août 1918, le canal du Nord, aux portes mêmes d'une ville importante que sa brillante manoeuvre du lendemain devait faire tomber. Le 29 août 1918, a attaqué sans regarder en arrière, a supporté une contre-attaque violente sur son flanc gauche, s'est cramponné au sol et a conservé la ville reconquise. Le 30 août 1918, a emporté d’assaut un piton âprement défendu, escaladant les pentes sous un feu violent d'artillerie et de mitrailleuses. Les 5, 6 et 7 septembre 1918, a toujours devancé l'heure de l'attaque, menant avec fougue la poursuite d'un ennemi à qui sa vitesse en imposait ; est demeuré trois jours en avant-garde à 4.000 mètres au delà de toute liaison latérale, obligé la nuit venue de faire face dans toutes les directions. Par son acharnement, par son audace, a empoché l'ennemi de se raccrocher aux lignes prévues dans ses ordres et a précipité le mouvement de retraite jusqu'aux inondations de la ligne Siegfried. A fait des prisonniers de trois régiments différents ».

Signé : Général HUMBERT.

LE HERIE - LA VIEVILLE

Dès le 23 octobre, le régiment était réengagé. Sous la pression constante des armées alliées, en Flandre, dans le Nord de la France et en Champagne, l'ennemi reculait peu à peu et abandonnait les positions Hindenburg et Siegfried, qu'il avait organisées pendant si longtemps et qu'il croyait inattaquables. Le 23 octobre, le 2e Zouaves quittait Chauny, où il avait joui de quelques jours de répit et, en deux étapes, venait se placer sur la Serre, à Anguilcourt, Le Sart et Achery, en soutien immédiat de la 58e Division. La 37,e Division avait l'ordre de se placer côte à côte avec la 58e dès que cette dernière aurait réussi à s'emparer de la ferme puissamment organisée de Ferrière.

Le 26 octobre, comme la ferme de Ferrière venait de tomber entre nos mains, le régiment quittait Anguilcourt, traversait Renansart pendant la nuit et s'instillait aux environs de Port-Sée, avec mission de prendre, dès le matin du 27, sa place habituelle d'avant-garde de la 37e Division, en liaison à gauche avec la 58e.

Le 27, d'un seul bloc, tout le régiment se portait en avant à la poursuite de l’ennemi ; il franchissait sans arrêt une dizaine de kilometres et s'arretait à la tombée de la nuit devant le village de Le Hérie-la-Viéville, où l’allemand, vaincu, tentait pour la dernière fois d'enrayer notre avance victorieuse.

Le 28, à 6 heures, le régiment s'élançait à l'attaque du village.

Jamais, peut-être, l'ennemi n'avait réussi à trouver une position aussi formidable que cette localité. Le village, placé sur un piton élevé, dominait toute la région ; il fallait absolument pour l’atteindre, franchir un glacis de deux kilometres environ, en pente assez raide, dont les mitraileuses pouvaient battre aisément les moindres cheminements. En avant du village, les Allemands avaient creusés deux lignes de tranchées garnies d'épais réseaux de fils de fer et protégées elles-mêmes par une série de fortins fermés, véritables nids de mitrailleuses. Mais les Zouaves étaient électrisés par leurs victoires précédentes, et ils voulaient montrer qu'ils sauraient combattre et mourir aussi bien que ceux de Guise dont les tombes étaient proches.

A 6 heures donc, le 1le Bataillon, chargé de la mission d'avant-garde, s'élançait, ses deux compagnies de tête merveilleusement entraînées par le Capitaine Dressler et le Lieutenant Durignieux. Il réussit à s'emparer de quelques uns des fortins et à faire prisonniers les occupants. Force lui fut bientôt, devant des fils de fer intacts et sous le feu des mitrailleuses, de s'arrêter et de s'organiser un abri provisoire.

L'attaque reprit le 30 octobre, à 6 heures. Les zouaves du 11e Bataillon, sans se laisser décourager par la mort des deux chefs splendides qui les avaient conduits si souvent à la bataille, le Capitaine Dressler et le Lieutenant Durignieux, s'emparent des derniers fortins organisés et s'établissent à proximité immédiate des fils de fer, prêts, au premier signal, à se lancer à l'attaque décisive.

Le commandement employa les journées des 30 octobre, 1er, 2, 3 et 4 novembre, à accumuler devant Le Hérie-la-Viéville de formidables moyens d'artillerie. Les réglages furent conduits avec soin et, le 5 au matin, l'assaut, devait reprendre. Tout portait à croire que, l'allemand serait battu ; il le comprit lui-même et, dans la nuit du 4 au 5, il se hâta de battre en retraite. Alors commença pour le 2e Zouaves, une période inoubliable. Suivant sans répit, les colonnes allemandes, il eut la joie de délivrer maints villages qui, depuis quatre ans, souffraient les pires tortures sous la botte allemande. A l'entrée de chaque localité, des habitants, la figure have, et n'osant croire encore à leur bonheur, venaient embrasser, en pleurant, les soldats libérateurs.

Aussi, plein d’indignation et d'espoir, le régiment poursuivait-il sans répit son avance. Le 5, il dépassait Puisieux, Clanlieu, Colonfay et Le Sourd ; le 6, Féronval, Ambercy, La Chaussée ; le 7, il franchissait le Thon ; le 8, il atteignait la Demi-lieue ; le 9, Hirson, où il passait en réserve de division. Il s'apprêtait le 11 novembre, à franchir la frontière de Belgique, quand un télégramme du maréchal Foch lui apprit la signature de l'armistice et la signature de la cessation des hostilités. Une cinquième citation à l'ordre de l’armée apportait, en effet, une nouvelle gloire à son drapeau.

Le Général commandant la Première Armée cite à l'ordre de l’armée :

Le 2e régiment de Marche de Zouaves : « Magnifique régiment qui s'est couvert de gloire au cours de la campagne, notamment à Verdun. Réengagé le 27 octobre 1918 sous le commandement du lieutenant-colonel de Metz, peu après de brillantes opérations qui lui valaient une citation à l'ordre de l'armée, a fait preuve de remarquables qualités de ténacité dans l'attaque de la forte position de Le Hérie-la-Viéville. S'est élancé ensuite à la poursuite avec une apreté et une ardeur exceptionnelles, empêchant l'ennemi de se rétablir avant Hirson et d'opérer la destruction des ponts de la ville, capturant un matériel important et cinq trains de chemin de fer prêts à partir ».

Signé: Général DEBENEY.

Le 2e Zouaves reçut la grande nouvelle de l'armistice avec une joie profonde, vibrante à la fois et recueillie et ces minutes inoubliables furent pour lui la récompense tant attendue de ses efforts, de ses souffrances, de l'héroïque sacrifice de tous ses morts.

« Aigle du 2e Zouaves, sois fière de tes soldats», s'était écrié le maréchal de Mac-Mahon en lui attachant, premier de tous les étendards de France, le ruban roue de la Légion d’Honneur.

Redresse-toi plus fière encore aujourd'hui, au milieu des trophées de la salle d'honneur, car les zouaves de 1914 ont été dignes de ceux de Magenta et ils ont su venger les glorieux vaincus de Froeschwiller et de Sedan. »